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Communiqué

Il faut être prudent à l’égard du chiffre de 3016 personnes itinérantes à Montréal dénombrés dans la nuit du 24 mars 2015. Trois éléments nous interpellent dans ce chiffre qui correspond à une photo partielle d’une situation beaucoup plus large. D’abord, les jeunes semblent absents de ce portrait, ensuite on oppose le chiffre de 3000 aux 30 000 personnes qui avaient été dénombrées dans une autre étude des années 1990; et finalement, les chiffres d’une nuit ne sont pas les chiffres d’une année. Les chiffres sont utiles et peuvent servir d’indicateurs, mais il faut être vigilant, car ils sont trop souvent réducteurs et le dénombrement ne montre que la pointe de l’iceberg, la part visible, dérangeante, de l’itinérance.

Bien qu’ils aient été dénombrés, notamment dans les Auberges du cœur, les faits saillants du rapport de «Je compte Montréal 2015» ne présentent aucune donnée sur la situation des jeunes. Par ailleurs, les jeunes sont souvent un bel exemple de l’itinérance cachée. Ils vivent dans des squats, ils dorment sur le divan d’un ami, ils co-habitent dans des logements insalubres avec huit autres jeunes, ils louent une chambre de motel, ils dorment dans leur voiture, ils ne s’identifient pas comme «itinérants». Pourtant, ils sont nombreux à ne pas avoir accès à un domicile sécuritaire et stable. Quand ils arrivent dans une Auberge du cœur, ils ont épuisé leur réseau social, les ressources de leur milieu. Ont-ils dormi dans la rue? Parfois oui, parfois non. La majorité fera tout pour éviter la rue, et c’est tant mieux, car c’est une expérience souffrante. Ils font pourtant bel et bien partie du «phénomène de l’itinérance», ils sont dans un processus de désaffiliation qui les rende vulnérables; et l’accompagnement et le soutien qu’on pourra leur offrir leur permettra de trouver leur place dans la société et préviendra une itinérance chronique, épisodique ou ponctuelle.

Ensuite, l’étude des années 1990 avait recensé à Montréal 28 214 personnes différentes qui avaient fréquenté une ressource pour personne en situation d’itinérance (centres d’hébergement, soupes populaires et centres de jour), et de ce nombre, 12 666 avaient été sans domicile fixe au cours des douze derniers mois. L’étude reposait sur une définition plus large de l’itinérance, c’est pourquoi il est dangereux d’opposer les deux chiffres.

Finalement, il est clair que les 3000 personnes recensées dans la nuit du 24 mars ne montrent qu’une partie limitée de la réalité de l’itinérance. À titre d’exemple, une Auberge du cœur de Montréal de 9 lits aura permis de dénombrer au plus 9 jeunes dans la nuit du 24 mars, mais dans une année, elle peut en héberger jusqu’à 80 et en accompagner autant en post-hébergement. Le dénombrement a donc pour effet de réduire le phénomène, plutôt que d’en prendre la pleine mesure.

Il faut bien comprendre la diversité et la complexité du phénomène de l’itinérance et utiliser des indicateurs conséquents dans le cadre d’un tel exercice qui vise à produire un état de situation réaliste de l’itinérance et ainsi saisir au mieux les enjeux qui en découlent. C’est alors qu’on peut élaborer des politiques publiques et des mesures de soutien et d’accompagnement nécessaires et globales pour lutter, mais aussipour prévenir l’itinérance. Il est urgent d’agir pour aider les personnes à sortir de la rue, mais le seul fait de ne plus les voir dans l’espace public ne voudra pas dire que l’errance, la précarité et l’itinérance cachée auront disparu.

Or, un plan de lutte à l’itinérance doit pouvoir agir au-delà du visible et se donner les moyens d’intervenir en amont et en aval du phénomène. Car lutter contre l’itinérance, c’est aussi, et surtout, lutter contre la précarité et l’exclusion.

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