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Chronique

MYTHES ET SANTÉ MENTALE

Par David Castrillon

Directeur général, Parrainage civique de l’est de l’île de Montréal (PCEIM)

Président, Réseau alternatif et communautaire des organismes (RACOR) en santé mentale

Les études ethnographiques et anthropologiques[1] ont démontré que la pensée mythique fait partie de notre condition humaine. Les mythes existent parce qu’ils comblent, à la base, un vide existentiel, celui associé à deux réalités qui nous montrent notre vulnérabilité : la conscience de notre finitude et notre essentielle dépendance aux autres pour exister. Ainsi, même si l’on croit les avoir éliminés grâce à la pensée rationnelle, il y a des mythes qui se cachent derrière une terminologie scientifique et un langage rationnel. Ce type de manifestation du mythe est très difficile à percevoir, quoique des exemples abondent.

En même temps il y a des mythes qui ne se déguisent pas, qui sont acceptés tels quels, et qui dictent, sans se cacher, les normes et mœurs de groupes humains. Ils ne sont pas reconnus comme étant des mythes par ceux qui y croient et ils ne se manifestent pas en utilisant de mots à caractère scientifique. Des exemples sont très courants. Il existe encore un mythe, par exemple, auquel une grande partie de la population canadienne adhère : près de 40% de Canadiens croient que le monde a été créé en 6 jours, comme le dit la bible[2]. La bible n’utilise pas des mots scientifiques, elle est directe dans son message qui invite les gens à y croire. Il est possible d’affirmer qu’on vit encore dans le mythe créé par le christianisme, et que ce mythe se manifeste un peu partout. Une autre manifestation de ce mythe est, par exemple, celle d’attribuer à une personne la présence d’un démon dans son être lorsqu’elle a des comportements qui dépassent la compréhension ou qui vont à l’encontre des normes socialement acceptées. Cette attribution met la personne en dehors de la communauté, même si elle continue à y être physiquement présente :

son état n’est pas attribué à la relation avec les personnes qui l’entourent, à sa communauté, l’explication crée se trouve plutôt ailleurs, dans le monde mythique. Pour les autres, accepter l’interdépendance deviendrait donc l’acceptation d’une responsabilité collective quant à la situation de la personne, acceptation qui exposerait leur propre fragilité, puisque l’autre personne, dite possédée, est un miroir d’eux. Aujourd’hui, dans nos sociétés, cette manifestation du mythe est de moins en moins courante.

Cependant un autre mythe, le mythe scientiste, est venu fournir une autre explication pour soulager l’angoisse créée par la conscience de notre interdépendance. Il est intéressant de voir comment le mythe du démon qui occupait le corps de la personne semble aujourd’hui être supplanté par celui des gènes. Ainsi, le mythe scientiste utilise des mots tirés du lexique scientifique et présente le comportement hors norme comme étant une maladie (ou un problème de santé mentale) à origine biologique – des gènes, des hormones, des bactéries, etc. Cette explication, comme celle du mythe religieux, peut être source de soulagement pour ceux entourant la personne touchée. Ils ne se sentent pas responsables de son état, parce que la cause – biologique – est toujours en dehors des interactions humaines. Ce mythe, très puissant dans le pays en Occident, invite à individualiser ou médicaliser les comportements. Une des manifestations en est celle de décerner des problématiques humaines, relationnelles, sociales, comportementales comme maladies mentales[3].

Le scientiste n’est pas nécessairement le scientifique, il faut le clarifier. Le scientifique va inclure, dans son étude, une réflexivité l’exigeant se questionner par les mythes qui entourent ses prémisses. Le scientiste, par contre, ne se questionne pas sur ses mythes de base. Il faut donc, comme on l’a dit au début, un effort supplémentaire afin d’identifier la base mythique du langage scientifique qui explique une réalité, dans ce cas, les problématiques de santé mentale

[1] Regarder les ouvrages le Levi Strauss, Ernst Cassirer, Edgar Morin, entre autres.

[2] Sondage mené par la firme CROP. Voir le lien : https://www.crop.ca/fr/blog/2017/137/

[3] Regarder les travails de M. Boyle, Sazs, Moncrieff, entre autres, qui montrent avec rigueur scientifique le mythe scientiste de la maladie mentale.

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