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Chronique

Le traitement de la sclérodermie: le passé, le présent et le futur

Tamara Grodzicky, MD, FRCPC

Rhumatologue

Clinique des connectivites

Hôpital Notre-Dame, Centre Hospitalier de l’Université de Montréal

La sclérodermie est une maladie autoimmune (maladie où le système immunitaire est dirigé

contre diverses cellules du malade) associée à des anomalies des petits vaisseaux sanguins

menant à une fibrose de la peau et de plusieurs organes internes. Les mécanismes responsables

de ces anomalies ont été de plus en plus élucidés depuis la dernière décennie grâce à la

recherche très active dans ce domaine, à laquelle participe le Laboratoire de Recherche en

Autoimmunité (LABRAI) de l’Hôpital Notre-Dame du Centre Hospitalier Universitaire de Montréal.

Le traitement de la sclérodermie, jusqu’à il y a de dix à quinze ans, était très limité. Il consistait

souvent en un soutien passif face à l’évolution parfois fatale de cette maladie, due à l’absence de

traitements efficaces. Avec l’arrivée de plusieurs médicaments dits « immunosuppresseurs » (qui

ont pour but d’améliorer le fonctionnement du système immunitaire), plusieurs patients

sclérodermiques ont commencé à être traités de façon plus agressive, en empruntant les

traitements couramment utilisés dans d’autres maladies autoimmunes, faute de thérapies plus

spécifiques et ciblées. Malgré l’absence de traitements curatifs, plusieurs médicaments ont

réussi à améliorer la qualité de vie et parfois même la survie des malades, tels les inhibiteurs de

l’enzyme de conversion (p. ex. captopril ou énalapril) dans la crise rénale sclérodermique, les

médicaments utilisés dans le traitement de l’hypertension pulmonaire (prostacyclines et

bosentan), et la cyclophosphamide dans le traitement de l’inflammation des poumons (alvéolite).

La recherche portant sur différentes modalités thérapeutiques dans la sclérodermie est très

active. Cet article a pour but de résumer nos connaissances sur les différents médicaments

utilisés dans la sclérodermie du passé au futur. Nous les classerons en catégories distinctes

selon leur efficacité en se basant sur les données recueillies par une revue systémique de la

littérature scientifique.

Médicaments avec efficacité prouvée

. Bosentan : Le bosentan (Tracleer®) est un médicament de la classe des inhibiteurs des

récepteurs de l’endothéline. Il agit directement sur certains récepteurs spécifiques

retrouvés sur les vaisseaux sanguins, ce qui les garde dilatés favorisant ainsi une

meilleure circulation de sang. C’est le premier médicament sous forme de pilule à avoir

été approuvé pour le traitement de l’hypertension pulmonaire (complication des gros

vaisseaux reliant le coeur aux poumons) et le traitement de premier choix pour cette

condition. Des molécules plus sélectives (sitaxentan et ambrisentan) ont aussi montré

leur efficacité dans des études récentes. Le bosentan est également efficace dans la

prévention de nouveaux ulcères des doigts, surtout dans les cas les plus sévères.

. Prostacyclines: Les prostacyclines (époprosténol ou Flolan®, iloprost) et leurs

analogues (treprostinil, beroprost) agissent également sur les vaisseaux sanguins pour

les dilater, comme le bosentan, mais avec un mécanisme d’action différent. Ils sont

bénéfiques dans le traitement de l’hypertension pulmonaire sévère, en première intention

ou après échec avec le bosentan. Ces molécules sont aussi efficaces dans le traitement

des ulcères sévères des doigts ne répondant pas aux traitements conventionnels.

. Sildénafil : Le sildénafil, ou Viagra®, est aussi un dilatateur puissant des vaisseaux

sanguins mais avec un mécanisme d’action différent de celui du bosentan et des

prostacyclines. Il est utilisé surtout dans le traitement de l’hypertension pulmonaire et on

l’utilise parfois pour traiter les ulcères des doigts. La tadalafil, ou Cialis®, un autre

médicament de la même famille, a aussi montré une efficacité dans des études récentes.

. Cyclophosphamide : Le cyclophosphamide (Procytox®) est un médicament souvent

utilisé pour traiter certaines formes de cancer (à des doses très élevées) et dans d’autres

maladies autoimmunes (à doses plus faibles), comme le lupus érythémateux disséminé.

C’est le traitement de premier choix dans les cas d’inflammation sévère des poumons

(alvéolite). Il se donne sous forme de pilules à prendre tous les jours ou de perfusions

intraveineuses chaque mois pour une durée variable. Ce traitement est le plus souvent

accompagné d’un traitement avec de la prednisone. Le cyclophosphamide a aussi

démontré une efficacité à réduire la fibrose de la peau chez certains malades. Étant

donné la crainte d’effets secondaires avec un usage trop prolongé, la durée de ce

traitement est souvent limitée à 6 à 12 mois, avec changement pour un médicament

ayant moins d’effets secondaires à long terme, comme le Cellcept® ou l’Imuran® (voir

plus loin).

. Méthotrexate : Le méthotrexate, comme le cyclophosphamide, est un médicament

utilisé pour traiter certains cancers et d’autres maladies autoimmunes, mais avec moins

d’effets secondaires potentiels que le cyclophosphamide, d’où l’utilisation parfois

prolongée, s’il est bien toléré. Il se donne sous forme de pilules ou d’injections souscutanée,

une fois par semaine, et il est utilisé dans les phases précoces de la

sclérodermie diffuse pour tenter d’améliorer le raidissement de la peau. Il est surtout

utile lorsqu’il y a d’autres manifestations associées, telle l’arthrite ou l’inflammation des

muscles (myosite).

. Mofétilmycophénolate : Le mofétilmycophénolate (Cellcept®) est un médicament utilisé

chez les personnes greffées pour empêcher le rejet du greffon ainsi que dans plusieurs

maladies autoimmunes (surtout le lupus érythémateux disséminé) avec de très bons

résultats. Il est utile dans les cas d’inflammation des poumons (alvéolite) peu sévère ou

comme traitement de consolidation à plus long terme après le cyclophosphamide. Le

Cellcept peut également mener à un assouplissement de la peau chez certains individus.

. Azathioprine : Comme le Cellcept, l’azathioprine (Imuran®) est un médicament

beaucoup utilisé dans le lupus érythémateux disséminé et aussi dans les cas de

vasculites (inflammation des vaisseaux). Il est utilisé comme le Cellcept, mais semble

avoir moins d’effets favorables au niveau de la peau.

Médicaments les plus prometteurs — études en cours

. Imatinib : L’imatinib, ou Gleevec®, est un médicament utilisé depuis plusieurs années

dans le traitement de la leucémie myéloïde chronique. Des recherches fondamentales

récentes ont découvert que l’imatinib a un effet sur certaines molécules impliquées dans

les mécanismes de la fibrose. Des études sont en cours pour évaluer son efficacité pour

prévenir ou même faire régresser la fibrose dans la sclérodermie. Certaines études

évaluent également son efficacité dans le traitement de l’hypertension pulmonaire.

. Études ASTIS et SCOT : L’étude ASTIS (« Autologous Stem cell Transplantation

International Scleroderma Trial ») en Europe et l’étude SCOT (« Scleroderma

Cyclophosphamide Or Transplantation ») aux États-Unis sont deux études semblables

avec un recrutement de patients encore actif. Il s’agit d’une immunoablation (traitement

qui a pour but de détruire les cellules du système immunitaire responsables de la

maladie) par des médicaments très puissants : des fortes doses de cyclophosphamide

(comme dans les traitements de certains cancers) et des globulines anti-thymocytes

(ATG). Ceci est suivi d’une injection de cellules spécialisées recueillies du sang du

malade au préalable (cellules souches autologues). Ces cellules souches vont se

différencier en nouvelles cellules immunes moins dommageables, ce qui ralentirait la

progression de la sclérodermie. Des résultats préliminaires démontrent une amélioration

significative de la fibrose de la peau.

Médicaments avec efficacité incertaine — études en cours

. Collagène de type I

. Rituximab (Rituxan®)

. Infliximab (Rémicade®)

. Immunoglobulines Intraveineuses

. D-Pénicillamine (Cuprimine®)

Médicaments avec efficacité incertaine — pas d’études concluantes

. Vitamine E

. Vitamine D

. Acide para-amino-benzoïque

. Huile d’onagre

. Extraits d’avocats et de grains de soya

. Bromelaine

. Estriol

. N-Acetylcystéine (Mucomist®)

Médicaments inefficaces

. Relaxine

. Chlorambucil

. Potaba

. Minocycline

. Tamoxifène

. Interféron gamma

Médicaments du futur

. Anti-IL6 (Tociluzimab)

. Anti-TGFβ

. Autres nouveaux agents biologiques

Conclusion

La recherche fondamentale, qui a pour but de décoder et de mieux comprendre les mécanismes

pathologiques de la sclérodermie ainsi que les mécanismes d’action des nouveaux médicaments,

nous aide à découvrir de nouvelles avenues thérapeutiques.

Malgré l’absence, à l’heure actuelle, de traitements curatifs ou préventifs pour la sclérodermie,

des progrès importants ont été effectués depuis les quinze dernières années au niveau de

nouveaux médicaments et de nouvelles cibles thérapeutiques. Les études cliniques en cours et à

venir sont très prometteuses et nous offriront de nouvelles connaissances et possiblement des

traitements plus ciblés et efficaces. L’époque de la contemplation impuissante de la sclérodermie

est en train de disparaître.

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