Le Mercredi 14 octobre 2015
Lettre ouverte – Élections et sans-abri
publié par Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de MontréalLettre ouverte – Élections et sans-abri
Itinérance : Des engagements importants qu’il faudra tenir
Après deux mois de campagne électorale, le rôle du gouvernement fédéral face au problème de l’itinérance au Canada a été très peu abordé, malgré son importance majeure, particulièrement à Montréal. Plusieurs partis ont néanmoins pris des engagements sur cette question qui devront absolument trouver écho dans l’action du prochain gouvernement. Car si l’itinérance peut être ignorée durant une campagne électorale, c’est tous les jours qu’un trop grand nombre d’hommes et de femmes se retrouvent à dormir dans la rue et les refuges.
Cela fait des dizaines d’années que le gouvernement fédéral est interpellé quant à ses responsabilités face à l’accroissement du nombre de sans-abri. Les villes l’ont fait, tout comme Jack Layton dans Homelessness- The Making and unmaking of a crisis et Paul Martin dans son rapport Péril en la demeure. Tous ces acteurs pointaient en particulier la nécessité d’investir dans le logement social pour agir sur le phénomène, dont le soutien au développement a été abandonné par Ottawa en 1994.
Face à toutes ces critiques, le gouvernement Chrétien a mis en place un programme de soutien à la lutte à l’itinérance, aujourd’hui appelé Stratégie de partenariats de lutte contre l’itinérance (SPLI). Pendant plus de quinze ans, celui-ci a permis de soutenir les différentes actions jugées prioritaires localement. À Montréal, tous les refuges ainsi que des organismes tels CACTUS et l’Itinéraire ont pu améliorer leur installation. Le soutien fédéral a aussi contribué à la réalisation de plus de 900 logements sociaux, tout en apportant une contribution majeure à l’intervention menée dans la rue et les ressources pour prévenir et réduire l’itinérance. Sans tout régler, cette aide a contribué à freiner l’aggravation de l’itinérance, à améliorer la situation des milliers de personnes qui étaient dans la rue et éviter que tout autant s’y retrouvent
Faisant fi des succès importants de cette approche globale dans la lutte à l’itinérance, pour les cinq prochaines années le gouvernement fédéral a orienté les fonds de sa SPLI vers un modèle, le Housing first. Jusqu’en 2019, 65 % du budget a été aligné vers cette approche. Malgré son nom, celle-ci ne contribue pas au développement de logements, passant par des ententes temporaires avec des propriétaires et un soutien offert aux personnes en situation d’itinérance chronique essentiellement.
Pourtant, la Ville de Montréal, l’Assemblée nationale unanime ainsi que les organismes communautaires avaient fortement demandé au gouvernement fédéral de maintenir une approche globale dans sa SPLI, telle que le prévoit la Politique nationale de lutte contre l’itinérance adoptée au Québec en février 2014.
Dans le cadre de la campagne électorale, le Bloc Québécois a repris les demandes du Réseau SOLIDARITÉ itinérance du Québec, soit de défendre le rétablissement d’une approche globale dans la Stratégie fédérale ainsi que l’augmentation de 20 millions $ à 50 millions $ par an de son budget. Le NPD et les Libéraux ont aussi réaffirmé la nécessité de rétablir une approche globale, de même que la nécessité d’accroitre puis indexer le budget de la SPLI.
Tous ces partis ont aussi pris des engagements pour assurer le financement des logements sociaux existants et contribuer au développement de nouvelles unités, une des actions structurantes nécessaires à la lutte contre l’itinérance.
Au lendemain du 19 octobre, il sera crucial que ces engagements trouvent écho rapidement dans le programme du gouvernement et son premier budget. Cela sera une question pressante, alors que de nouveaux services sont menacés de coupures cet hiver et que des projets de logements manquent de fonds.
Dans la rue l’urgence sociale perdure, preuve en est avec la tenue ce vendredi 16 octobre de la 26eNuit des sans-abri. Il faut espérer que les élections y changeront quelque chose.
Pierre Gaudreau
Coordonnateur,
Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM)